Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

TGV, places de concert, e-commerce : la danse infernale des « prix dynamiques »

Si vous croisez un fan du groupe de pop Oasis arborant un tee-shirt de sa dernière tournée, la question à poser n’est pas « avez-vous aimé le concert ? », mais « combien a coûté la place ? ». Leur prix de vente a déclenché un tollé planétaire. Si l’aérien, le transport ferroviaire, l’hôtellerie, l’énergie, l’e-commerce, etc., et à peu près l’ensemble des services, pratiquent depuis des années la variation mécanique des prix en fonction de la demande, beaucoup espéraient que cette « tarification dynamique », en anglais dynamic pricing, épargne le monde de la musique. Oasis a prouvé que ce n’était plus le cas. Dix millions de fans de 158 pays ont patienté des heures sur le site de Ticketmaster pour s’offrir une place. Au moment de finaliser la commande, son prix était passé de 160 à 400 euros.
Faisant écho au torrent de commentaires sur les réseaux sociaux, les politiques sont montés au créneau. Du premier ministre britannique, Keir Starmer, au gouvernement irlandais, la condamnation du système de prix dynamiques a été unanime. Aux Etats-Unis, la société de billetterie, propriété du géant mondial de l’organisation de concerts Live Nation, était déjà dans le collimateur de la justice fédérale. Les ventes de places pour les concerts de Bruce Springsteen et de Taylor Swift avaient déjà déclenché des poursuites de la part de l’autorité de la concurrence américaine. Même la candidate démocrate à la présidentielle américaine, Kamala Harris, a promis de s’occuper de la question.
Cette réaction politique en chaîne reste surprenante car, en matière de tarification, le consommateur ne fait plus guère preuve de naïveté. Il admet que, pour être optimisés, certains marchés doivent faire varier leurs prix. C’est la théorie élaborée pour l’électricité, il y a près de soixante-dix ans, par l’économiste français Marcel Boiteux, affectueusement baptisé par ses pairs « le grand Marcel ». Père de la tarification dynamique, il fera adopter son principe à EDF, dont il deviendra directeur général puis président, avec à la clé une vraie révolution : la création des heures pleines et des heures creuses.
Dans son sillage, toute une génération d’économistes va se passionner pour la théorie des prix et s’ingénier à démontrer la nécessité de leur « élasticité » au regard de la fluctuation des coûts de production et de la marge. En entreprise, cela va se traduire par le développement de systèmes de gestion informatiques sophistiqués de revenue management et de yield management. Ils vont devenir indispensables pour les activités dont la rentabilité dépend du taux de remplissage. Les transporteurs aériens, ferroviaires ou les hôteliers vont devenir des experts de la discipline.
Il vous reste 76.39% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish